Les exoplanètes se forment dans des disques protoplanétaires, des ensembles de poussières et de gaz en orbite autour d’une étoile. La théorie principale de la formation planétaire, connue sous le nom d’accrétion du noyau, décrit un processus où des grains de poussière dans le disque s’accumulent pour former un noyau planétaire, semblable à une boule de neige dévalant une pente. Une fois que ce noyau atteint une masse suffisante pour exercer une forte attraction gravitationnelle, d’autres matériaux s’effondrent autour de lui pour former une atmosphère.
Une théorie secondaire de la formation planétaire est l’effondrement gravitationnel. Dans ce scénario, le disque lui-même devient gravitationnellement instable et s’effondre pour former une planète, à l’image de la neige qui s’amasse en tas. Ce processus nécessite un disque massif, et jusqu’à récemment, aucun candidat viable n’avait été observé ; les recherches précédentes avaient détecté des amas de neige, mais pas ce qui les avait constitués.
Dans un nouvel article publié aujourd’hui dans Nature, Richard Teague, professeur de développement de carrière au MIT Kerr-McGee, et ses collègues rapportent des preuves montrant que le mouvement du gaz entourant l’étoile AB Aurigae se comporte comme prévu dans un disque gravitationnellement instable, confirmant les prédictions numériques. Leur découverte revient à détecter le chasse-neige responsable de l’amas. Cela indique que l’effondrement gravitationnel est une méthode viable de formation planétaire. Ici, Teague, qui étudie la formation des systèmes planétaires au Département des sciences de la Terre, de l’atmosphère et des planètes (EAPS) du MIT, répond à quelques questions sur ces nouveaux travaux.
Question : Qu’est-ce qui a fait du système AB Aurigae un bon candidat pour l’observation ?
Réponse : De nombreuses observations suggèrent une dynamique intéressante à l’œuvre dans ce système. Des groupes ont observé des bras spiraux à l’intérieur du disque ; certains ont trouvé des points chauds, interprétés par certains comme des planètes potentielles, et par d’autres comme des instabilités. Mais ce disque montrait clairement beaucoup de mouvements intéressants. Les données précédentes étaient suffisantes pour montrer cet intérêt, mais pas assez détaillées pour comprendre ce qui se passait réellement.
Question : Qu’est-ce que l’instabilité gravitationnelle des disques protoplanétaires ?
Réponse : Les instabilités gravitationnelles se produisent lorsque la gravité du disque lui-même est suffisamment forte pour perturber les mouvements à l’intérieur du disque. Habituellement, on suppose que le potentiel gravitationnel est dominé par l’étoile centrale, ce qui est le cas lorsque la masse du disque est inférieure à 10 % de la masse de l’étoile. Lorsque la masse du disque devient trop grande, le potentiel gravitationnel affecte le disque de différentes manières, créant de grands bras spiraux. Ceux-ci peuvent piéger le gaz, le réchauffer, et permettre au moment cinétique d’être transporté rapidement à l’intérieur du disque. Si le disque est instable, il peut se fragmenter et s’effondrer directement pour former une planète en un temps incroyablement court, bien plus rapide que les dizaines de milliers d’années nécessaires pour l’accrétion du noyau.
Question : Comment cette découverte remet-elle en question les idées reçues concernant la formation planétaire ?
Réponse : Cela montre que la formation de planètes par effondrement direct est une voie alternative viable. Ceci est particulièrement important car nous trouvons de plus en plus de preuves de très grandes planètes – de la masse de Jupiter ou plus – situées très loin de leur étoile. Ces planètes sont incroyablement difficiles à former par accrétion du noyau, car ce processus nécessite généralement une proximité avec l’étoile. Former quelque chose d’aussi massif, si loin de l’étoile, est un véritable défi. Si nous pouvons démontrer que des disques suffisamment massifs pour être gravitationnellement instables existent, cela résoudra ce problème. C’est une nouvelle façon de comprendre la formation des systèmes planétaires, car il a toujours été difficile de concevoir leur formation uniquement par accrétion du noyau.