Par Olivier Morsch
Une équipe de recherche dirigée par Professeur Christoph Bruder de l’Université de Bâle, en collaboration avec des collègues du Massachusetts Institute of Technology (MIT), ont développé une nouvelle méthode de calcul des diagrammes de phases des systèmes physiques.
Les diagrammes de phases sont difficiles à calculer
Les diagrammes de phases sont fondamentaux en physique. Ils décrivent les états dans lesquels un matériau peut exister : l’eau, par exemple, peut être trouvée sous forme de glace, de liquide ou de vapeur. Entre ces phases, des transitions de phase se produisent en fonction de grandeurs spécifiques telles que la température ou la pression. Ces transitions se présentent sous différentes formes : par exemple, elles se produisent entre un conducteur électrique ordinaire et un supraconducteur ou d’un état non magnétique à un état ferromagnétique.
« Cependant, le calcul des diagrammes de phases est difficile et nécessite beaucoup de connaissances préalables et d’intuition de la part des chercheurs », explique Julian Arnold, doctorant dans le groupe de Bruder. Le problème est qu’un solide ou un liquide est constitué de très nombreuses particules – atomes ou molécules. Ces particules interagissent, c’est-à-dire qu’elles s’attirent ou se repoussent ; ils forment ce que l’on appelle un système à N corps. Il existe de nombreuses possibilités quant à ce à quoi peut ressembler l’état global du matériau – caractérisé par la position des particules, mais aussi par des propriétés supplémentaires, telles que l’orientation des spins, qui indiquent la direction de l’aimantation.
« Dans le passé, les diagrammes de phases étaient souvent calculés en classifiant ces états à l’aide de réseaux neuronaux », explique Bruder. Cela fonctionne à peu près comme la reconnaissance d’images, où un algorithme tente de faire la distinction entre les images de chats et de chiens. Dans ce cas, l’algorithme calcule la probabilité qu’une image particulière montre un chat ou un chien et décide en conséquence.
Plus rapide grâce aux modèles génératifs
En guise d’alternative à cette approche discriminante, les chercheurs de Bâle et de Boston ont développé une méthode générative. La différence est que dans la méthode générative, similaire à ChatGPT, l’ordinateur crée un grand nombre d’états possibles du système (dans l’exemple ci-dessus, beaucoup de chats et de chiens) et décide à quelle phase appartient un état particulier.
« Nous avons montré que la méthode générative permet de calculer un diagramme de phases de manière autonome et dans un délai beaucoup plus court que la méthode discriminative », explique Arnold. Actuellement, il teste la méthode sur un modèle de trous noirs dans l’univers pour détecter leurs transitions de phase. À l’avenir, la nouvelle technique pourrait même automatiser les laboratoires de physique : l’algorithme définirait automatiquement les paramètres de contrôle d’un appareil expérimental et calculerait immédiatement un diagramme de phase à partir des données mesurées.
Fait intéressant, la méthode de calcul des diagrammes de phases inspirée de ChatGPT peut également être appliquée à des modèles comme ChatGPT lui-même. « ChatGPT a aussi quelque chose comme une température », explique Arnold. Si cette température est très basse, l’algorithme n’est pas très créatif et ne produit que les résultats attendus. Si, au contraire, il est trop élevé, alors le texte généré devient arbitraire et chaotique. Grâce à la technique des chercheurs bâlois, il est possible de déterminer la transition entre ces deux phases et, sur la base de ces informations, d’ajuster de manière optimale les modèles de langage.
Référence
Cartographie des diagrammes de phases avec des classificateurs génératifs, Julian Arnold, Frank Schäfer, Alan Edelman et Christoph BruderLettres d’examen physique, 2024 | version arXiv.
Université de Bâle