Les scientifiques préservent l’ADN dans un polymère de type ambre | Actualités du MIT

Les scientifiques préservent l'ADN dans un polymère de type ambre |  Actualités du MIT

Dans le film « Jurassic Park », des scientifiques extraient de l’ADN conservé dans l’ambre pendant des millions d’années pour recréer des dinosaures disparus. Inspirés par ce concept, des chercheurs du MIT ont mis au point un polymère vitreux semblable à de l’ambre, capable de stocker de l’ADN à long terme, qu’il s’agisse de génomes humains entiers ou de fichiers numériques comme des photos.

Les méthodes actuelles de stockage de l’ADN nécessitent souvent des températures très basses, ce qui consomme beaucoup d’énergie et n’est pas pratique dans de nombreuses régions du monde. En revanche, ce nouveau polymère peut conserver l’ADN à température ambiante tout en le protégeant des dommages causés par la chaleur ou l’humidité.

Les chercheurs ont démontré que ce polymère pouvait stocker des séquences d’ADN codant pour le thème musical de Jurassic Park ainsi qu’un génome humain entier. Ils ont également prouvé que l’ADN pouvait être facilement extrait du polymère sans subir de dommages.

« La congélation de l’ADN est efficace mais coûteuse et peu évolutive », explique James Banal, ancien postdoctorant au MIT. « Notre nouvelle méthode pourrait révolutionner le stockage des informations numériques sur l’ADN. »

Banal et Jeremiah Johnson, professeur de chimie au MIT, sont les auteurs principaux de l’étude, publiée hier dans le Journal of the American Chemical Society. Elizabeth Prince, ancienne postdoctorante du MIT, et Ho Fung Cheng, postdoctorante au MIT, sont les principaux auteurs de l’article.

Capturer l’ADN

L’ADN, une molécule très stable, est idéal pour stocker de grandes quantités d’informations, y compris des données numériques. Les systèmes de stockage numérique codent le texte, les photos et d’autres informations sous forme de 0 et de 1. Cette même information peut être codée dans l’ADN à l’aide des quatre nucléotides : A, T, G et C.

L’ADN permet de stocker ces informations à très haute densité : une tasse de café remplie d’ADN pourrait théoriquement contenir toutes les données du monde. De plus, l’ADN est stable et relativement facile à synthétiser et à séquencer.

En 2021, Banal et son conseiller postdoctoral, Mark Bathe, ont développé un moyen de stocker l’ADN dans des particules de silice, étiquetées pour révéler leur contenu. Ce travail a conduit à la création de Cache DNA.

Cependant, ce système de stockage présente des inconvénients : il faut plusieurs jours pour intégrer l’ADN dans les particules de silice et l’extraction nécessite de l’acide fluorhydrique, dangereux pour les travailleurs.

Pour trouver des matériaux de stockage alternatifs, Banal a collaboré avec Johnson et son équipe. Ils ont utilisé des polymères thermodurcissables dégradables, qui forment un solide lorsqu’ils sont chauffés et peuvent être dégradés de manière contrôlée.

« Avec ces thermodurcissables déconstructibles, nous pouvons choisir comment les dégrader », explique Johnson.

Pour ce projet, ils ont fabriqué leur polymère à partir de styrène et d’un agent de réticulation, formant un thermodurcissable de type ambre appelé polystyrène réticulé, très hydrophobe et empêchant l’humidité de pénétrer et d’endommager l’ADN. Pour rendre le thermodurci dégradable, ils ont copolymérisé les monomères de styrène et les agents de réticulation avec des thionolactones, qui peuvent être dégradées avec de la cystéamine.

Le styrène étant très hydrophobe, ils ont trouvé une combinaison de trois monomères pour attirer l’ADN, une molécule hydrophile chargée négativement. Ces monomères aident à extraire l’ADN de l’eau et à le pénétrer dans le styrène, formant des complexes sphériques d’ADN. Lorsqu’elle est chauffée, cette solution devient un bloc solide semblable à du verre, incrusté de complexes d’ADN.

Ils ont nommé leur méthode T-REX (Thermoset-REinforced Xeroconservation). Le processus d’intégration de l’ADN prend quelques heures, mais pourrait être optimisé pour devenir plus rapide.

Pour libérer l’ADN, ils ajoutent de la cystéamine pour briser les liaisons du polystyrène thermodurci, puis un détergent appelé SDS pour extraire l’ADN sans l’endommager.

Stockage des informations

Les chercheurs ont montré qu’ils pouvaient encapsuler de l’ADN de différentes longueurs, allant de quelques dizaines de nucléotides à un génome humain entier. Ils ont stocké l’ADN codant pour la Proclamation d’émancipation, le logo du MIT et le thème musical de « Jurassic Park ».

Après avoir stocké et extrait l’ADN, ils l’ont séquencé et n’ont constaté aucune erreur, une caractéristique essentielle pour le stockage de données numériques.

Le polymère thermodurci protège l’ADN de températures allant jusqu’à 75 degrés Celsius. Les chercheurs travaillent actuellement à rationaliser le processus de fabrication des polymères et à les transformer en capsules pour un stockage à long terme.

Cache DNA, fondée par Banal et Bathe avec Johnson comme membre du conseil consultatif scientifique, développe cette technologie de stockage de l’ADN. Leur première application vise le stockage des génomes pour la médecine personnalisée, avec la possibilité d’analyses futures à mesure que les technologies progressent.

« Pourquoi ne pas préserver pour toujours le registre principal de la vie ? » dit Banal. « Dans dix ou vingt ans, avec des technologies avancées, nous pourrions découvrir bien plus. Nous en sommes encore aux premiers balbutiements dans la compréhension du génome et de ses liens avec la maladie. »

La recherche a été financée par la National Science Foundation.

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